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de bon nombre d’accusations plus spécieuses que réelles sans que les adversaires en tiennent beaucoup de compte ; pour essayer de voir les choses telles qu’elles sont, il faut les regarder bien en face, la lumière tombant dessus.

Lorsque, sept ans en ça, l’Empire fut tombé et que la France l’eut suivi dans sa chute, il y eut de larges cris de colère, mais il s’y joignit presqu’aussitôt une effusion éplorée des plus amers repentirs et les journaux en pleurs entonnèrent, en se frappant la poitrine, les sept psaumes de la pénitence. Jonas n’a jamais vu pareil spectacle dans Ninive prosternée. On avait péché. On avait mérité son sort ; on avait oublié, mis à l’écart, laissé gâter toutes les anciennes vertus ; on s’était plongé par-dessus les oreilles dans tous les plaisirs les plus malfaisants, bref on n’avait songé qu’à gagner de l’argent pour en manger Dieu sait comme et on était en décadence.

Depuis le Petit Journal pour rire jusqu’à la Revue la plus haut colletée, c’était tout du même langage. On ne parlait que componction et rétractation dans les maisons et tout autant dans les rues. Quant à la nécessité urgente de se corriger immédiatement, qui l’eût discutée ? À l’unanimité on était d’accord, on allait se mettre à l’œuvre ; rien ne résiste à la bonne volonté et au ferme propos, et ainsi, tout charmé de soi, on en eut d’autant plus d’indignation contre les Allemands qui tourmentaient un si bon peuple et en continuant de protester, avec la candeur la plus touchante, qu’on avait eu des torts, on constata avec plaisir qu’on n’en avait plus. La faute si grande, le châtiment si dur avaient réveillé la conscience, ce qui prouvait qu’elle était restée toujours délicate. Positivement, on se sentait en veine de