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tandis que devant la situation qui se prépare, toute légale et régulière qu’elle pourra sembler aux exploitants, au fond du cœur, ces exploitants en sentiront les côtés faibles, les plus mauvais soupçons danseront à demeure devant leurs esprits ; ils croiront leurs généraux capables de tout et ils n’auront nullement tort.


CHAPITRE XXXVII.

À moins de suivre les suggestions d’un esprit extrêmement peu étendu et pourvu d’une dose rare de foi superstitieuse dans les formes, il n’est pas un être vivant capable de se faire illusion sur la valeur de la prétendue légalité démocratique. La légalité ayant été créée jadis uniquement pour maintenir, confirmer, fortifier, défendre la suprématie des anciennes couches sociales, une autre légalité, subitement venue au monde pour renverser et elle et surtout ce qu’elle couvre, ne peut être considérée que comme la monstruosité la plus illégale du monde sinon par les intéressés. Or, un général de l’armée régulière, passé aux rangs de la démocratie, sera, dans tous les cas, d’origine ce qu’on appelle un bourgeois ; un bourgeois déserteur de la cause des bourgeois et se proposant, dès lors, un avantage personnel quelconque. Il est impossible que cet avantage consiste dans le bonheur d’être perpétuellement mis sur la sellette par la jalousie ou la superbe d’un délégué du peuple ou quelque chose d’approchant. Le général espère assurément quelque chose de mieux de sa patience, de son dévouement, de ses protestations renouvelées, des risques qu’il court, risques de la prison, risques de la corde. Certainement il espère un avantage qu’il se fabriquera, prendra et se donnera