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VOYAGE DE LA BELGICA.


tion, de-ci de-là, au gré des forces aveugles que nous sommes impuissants à maîtriser, dont nous sommes incapables de nous affranchir…


En novembre, les chasse-neige sont fréquents et très violents ; la neige s’amoncelle contre nos murailles et s’amasse sur le pont dégarni trop tôt de la toiture qui l’abritait. À la fin du mois, le 21, tout l’arrière du navire est presque enseveli et il nous faut plusieurs jours de travail ardu pour le dégager.

Ce n’est que le 27 novembre que nous avons le spectacle du soleil de minuit.

Depuis une dizaine de jours déjà, le soleil ne disparaissait plus sous notre horizon ; mais, le temps ayant été presque constamment couvert, nous n’avions pas encore pu le voir à cette heure. Nous restons tous levés pour assister à ce spectacle que la sérénité du ciel avait annoncé et que personne, avant nous, n’avait contemplé, à pareille époque, dans la zone australe…

Nous touchons au milieu de l’été. La variation diurne de la température devient très sensible.

La couche de neige qui recouvre le pack s’amincit de jour en jour et de grandes flaques d’eau de fusion se forment, donnant à notre floe cet aspect lamentable des champs de glace aux premiers jours de dégel, que connaissent bien les patineurs…

Mais les semaines s’écoulent sans apporter aucun changement à notre situation. Considérée du nid de corbeau la banquise apparaît toujours aussi close…

Nous sommes au cœur de l’été, et cependant, certains jours, lorsque le vent souffle du Sud, il fait assez froid pour que la jeune glace se forme sur les rares clairières…

Le 22 décembre, les feux sont chargés afin d’essayer la machine ; puis la chaudière, dont le plein avait été fait avec de l’eau de mer pour cet essai, est vidée ; peu à peu nous la remplirons d’eau douce.

Le 23, nous enlevons, au moyen d’eau bouillante, la glace qui encombre la jaumière et forme une gangue autour de la mèche du gouvernail.

À l’aide de la sonde géologique, Arctowski mesure l’épaisseur de la glace en divers points du floe ; à cent mètres du navire, près d’un hummock, il trouve plus de huit mètres…

Le 25 décembre, je donne au personnel subalterne, en guise de cadeaux de Noël, quelques effets d’habillement, de nouveaux couverts, des cigares et double ration de tabac. L’état-major et l’équipage fraternisent.