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à-dire à environ 90 milles au Sud du point où nous avons pénétré dans la banquise.

Les pans de glace qui nous entourent forment bientôt un floe[1] compact dans lequel il devient impossible d’avancer.

Le 3 mars, de petits chenaux se dessinent ; nous nous y faufilons, mais ne tardons pas à nous convaincre que le résultat obtenu n’est guère appréciable.

Puisque nous ne pouvons plus avancer vers le Sud, nous allons nous efforcer de regagner le large. Mais la banquise se resserre ; les clairières qui subsistent encore de la tempête du 28 février sont couvertes de jeune glace ; elles sont à peine navigables…

En une semaine, c’est tout au plus, si nous faisons, au prix des plus grands efforts, 7 à 8 milles vers le Nord, c’est-à-dire vers la lisière de la banquise.

Le 10 mars, la Belgica paraît définitivement bloquée. Les pans se soudent entre eux et forment un champ immense et continu…

Il n’y a plus à se le dissimuler, nous sommes condamnés à hiverner dans les glaces.

Dès le 15 mars (qui correspond au 15 septembre de l’hémisphère boréal), nous notons un minimum de — 20,3°. Nous nous rappelons que Nansen enregistrait, le 25 septembre 1893, une température de — 13°. Comme lui, mieux que lui encore, nous pouvons dire : « L’hiver approche à grands pas… »

Le dimanche 20 mars, l’automne austral commence ; tandis que dans l’hémisphère Nord, on salue avec joie l’avènement du printemps, nous devons songer à nous aménager en vue d’un rude hivernage.

Ce renversement des saisons nous fait ressentir, plus vivement qu’aux voyageurs arctiques, le contraste entre la vie polaire et celle qu’on mène dans des régions plus hospitalières.

Tous, cependant, nous prenons de bonne grâce notre parti de la situation.

Nous allons être les premiers hiverneurs de la banquise australe, et ce seul fait nous promet une ample moisson de renseignements à recueillir, de phénomènes à étudier. N’est-ce pas là ce que nous avons désiré, ce que nous avons cherché ?…

Nous entourons le navire d’un talus de neige s’élevant jusqu’à

  1. Grand champ de glace, quelquefois d’une seule venue, mais, le plus généralement, formé par la juxtaposition de nombreuses plaques ou pans.