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MÉMOIRES.

Canadiens que j’ai connus qui parlaient le mieux la langue anglaise. Nous l’appelions notre oncle l’Anglais, car, tandis que les messieurs de son âge avaient conservé les manières de leurs ancêtres français, il avait adopté les manières plus froides, moins démonstratives des vrais gentilshommes anglais, lesquelles, à la vérité, différaient peu alors de celles des gentilshommes français.

Le sang écossais coulait dans les veines de M. Charles de Lanaudière : son grand-père, le compte de Boishébert, le dernier gouverneur français de Louisbourg, avait épousé une Ramsay ; de là sa parenté avec la famille de Saint-Ours. Il était le seul enfant d’un premier mariage de mon grand-père avec une demoiselle de Boishébert. La société qu’il avait fréquentée en France et en Angleterre lui avait causé des dépenses énormes. Aussi son père disait-il : Si je mettais mon fils dans une balance et dans une autre l’or qu’il m’a coûté avant de recevoir sa légitime, il l’emporterait de beaucoup.

Ce n’était pas, en effet, dans la société du duc d’Orléans (l’Égalité) et dans celle du prince de Galles, depuis George IV, que mon cher oncle pouvait faire des épargnes : il se consolait de la perte d’une partie de sa fortune en disant : J’ai fait bien des folies pendant ma jeunesse, mais toujours en bonne compagnie.

À l’âge de soixante-et-dix ans, lors de sa mort tragique, M. de Lanaudière était encore plein de vigueur et montait encore à cheval avec autant d’aisance qu’un jeune homme. Invité à dîner à Notre-Dame de Foie, chez un M. Ritchie, il offrit une place dans son