honorable. Aussi était-il convenu entre nous que lorsque nous les savions embusqués d’un côté, nous passions par l’autre. Nous n’étions guère disposés à nous faire échiner, sans gloire aucune, pour l’amour et au bénéfice de messieurs les fermiers généraux, qui étaient d’aussi grands coquins que les brigands qu’on nous ordonnait de combattre.
On a toujours attribué au roi George III une mémoire prodigieuse des hommes. Il lui suffisait, disait-on, de voir une personne une seule fois (et les souverains en voient un grand nombre), pour se la rappeler pendant le reste de sa vie. L’anecdote suivante semble le confirmer.
Monsieur Charles de Lanaudière, étant encore au service de la France, avait accompagné son oncle, le comte de Boishébert, chargé d’une mission diplomatique à la cour d’Angleterre, et fut présenté au roi George III. Quinze ans après cette première entrevue avec le souverain de la Grande-Bretagne, il lui fut présenté de nouveau, mais alors comme sujet britannique. Le roi le reconnut aussitôt, et lui dit en se servant de la langue française :
— Vous m’avez été introduit jadis comme sujet français, mais je suis heureux que vous le soyez aujourd’hui comme un de mes sujets.
Puis il ajouta, en se servant de l’idiome anglais : « but I forget that you speak English fluently », (j’oubliais que vous parlez l’anglais avec aisance) et il continua la conversation dans cette langue.
En effet, mon oncle ayant demeuré longtemps en Angleterre, après la conquête, était celui des anciens