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MÉMOIRES.

mais nous reformâmes de nouveau nos rangs derrière un bocage, dont tu vois encore quelques restes, et abordant pour la troisième fois la position à la baïonnette, nous culbutâmes l’ennemi, et nous n’abandonnâmes ensuite le moulin que pour poursuivre les Anglais en déroute, et les empêcher de rentrer dans la ville en les culbutant dans la rivière Saint-Charles. Ce fut une grande maladresse, car les portes de la ville restèrent ouvertes pendant au moins deux heures ; et nous aurions pu y rentrer pêle-mêle avec l’ennemi. Plusieurs Canadiens présents à cette bataille m’ont aussi attesté ce fait.

Je racontais l’épisode de Monsieur de LaRonde à mon oncle de Lanaudière, lorsqu’il me dit, (et c’est la seule fois qu’il ait fait allusion à la bataille de 1760) : En effet, notre pauvre cousin de LaRonde fut blessé à mort près du moulin de Dumont, en prononçant à ce que l’on a prétendu, ces paroles qu’il avait souvent à la bouche même au milieu du carnage : « ah ! que les hommes sont insensés ! » C’était un homme doux et sensible, mais d’une bravoure à toute épreuve, et que l’honneur seul conduisait au combat.

Mon oncle de Lanaudière, comme je l’ai déjà dit, ne faisait jamais allusion à sa carrière militaire ; je savais qu’il avait fait la guerre sur le continent où il avait été blessé de nouveau assez grièvement. Aussi un jour qu’il était d’excellente humeur, je lui fis quelques questions sur ses campagnes.

— J’ai fait, dit-il, en riant, des exploits bien glorieux en France contre messieurs les contrebandiers ! On employait toujours les jeunes officiers pour ce service