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MÉMOIRES.

pellent ! Eh bien ! faites-moi l’honneur, madame, lui dis-je en lui faisant un profond salut, d’accepter ma main pour passer dans le salon.

Ma mère se prêta en riant à mon offre galante et nous passâmes au salon.

J’ai vu ici, un soir, repris-je, une personne morte couverte d’un drap blanc : sur une petite table, là, (et je montrais la place), étaient deux cierges allumés ; au milieu un crucifix, un gobelet d’eau et une petite branche de sapin. Mon père était agenouillé ici, et pleurait ; vous étiez vous aussi à genoux, vous me teniez dans vos bras et vous me faisiez signe, en montrant mon père, de ne pas faire de bruit.

— Impossible, dit ma mère en se parlant à elle-même : il n’avait pas trois ans ; et, pourtant, personne n’est mort dans cette maison depuis le décès de sa grand-mère ; il y a près de quinze ans.

Nous finîmes par capituler : ma bonne mère, de son côté, m’accorda souvenance du nez, des lunettes, du chapelet et des médailles de ma grand-mère, et moi, du mien, je dus convenir que le conte de ma grand-mère était de mon invention.

Le lecteur suppose, avec raison, que je divague avec mon conte : il faut me justifier d’une imputation si injurieuse à mon amour-propre d’auteur. Il me restait quelques anecdotes, bien insignifiantes sans doute, que j’avais oubliées de mentionner dans « Les Anciens Canadiens », mais qu’avec la ténacité d’un vieillard, je tenais à relater quelque part. Dans ce grand désarroi, une idée ingénieuse sembla me tirer d’affaire. Imitons cette chère Fanchette, pensais-je, et faisons de cet ou-