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MÉMOIRES.

l’armée française, décoré de la médaille de Sainte-Hélène, et ils m’en remercieront. Notre ami, monsieur Louis (il est l’ami de tous ceux qui le connaissent), est un beau vieillard, au visage rose, aux manières simples, à la parole douce et facile, qui vous raconte avec ingénuité, en s’effaçant toujours lui-même, les événements dont il a été témoin. Ce Nestor de l’armée française, grâce à l’obligeance d’un sacristain ami de son père, a vu Louis XVI et sa famille assister à une messe basse dans une chapelle dont j’ai oublié le nom. Il a entendu tonner le canon, lors de la prise de la Bastille, de la ferme de son père, située à deux lieues de Paris. — Et tous les honnêtes gens, dit-il, frissonnaient de douleur au récit et à l’aspect des horreurs que l’on commettait en France ! Mais la population entière était frappée de stupeur, on n’osait souffler mot.

Monsieur Louis[1] a fait la première campagne d’Italie, sous le grand Napoléon, et n’a déposé les armes qu’après le désastre de Waterloo. Il servait alors dans la division du général Grouchy, et il fait de pénibles efforts pour disculper son chef de ne s’être pas rendu sur ce champ de bataille si funeste à la France.

— Les chemins, dit-il, étaient si affreux, que les Prussiens avaient abandonné leur artillerie et leur gros bagage ; et Grouchy dut croire que Blücher ne pourrait se rendre sur le champ de bataille avant la nuit.

  1. Le respectable monsieur Louis est mort depuis la rédaction de ce passage.