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MÉMOIRES.

reuil un lieu de retraite pour se reposer, il lui fallait courir sans cesse stimulé par la chaleur, par l’odeur des viandes et par l’espoir de la liberté. La langue finissait par lui pendre de la longueur d’un demi-pied hors de la gueule ; n’importe, point de compassion pour la pauvre bête : — tourne, capuchon, (nom obligé d’un chien de Récollet) tourne, mon gars ; tu auras ton dîner quand tu l’auras gagné et de l’eau à discrétion.

Mais capuchon avait souvent la finesse de s’évader vers l’heure où sa présence aurait été la plus requise, soit en passant entre les jambes du portier, quand il ouvrait la porte du couvent, ou par la négligence du jardinier. Il s’agissait alors de lui trouver un substitut ; la chose n’était pas si difficile que l’on serait porté à le croire. Un chien de grosseur convenable passait-il dans la rue, on l’affriandait avec un morceau de viande, et une fois dans les limites du couvent, un bras nerveux l’empoignait par-dessus le cou, le poussait dans la cage et fermait le crochet. Le nouveau conscrit faisait des efforts désespérés pour respirer l’air pur de la liberté. Le frère Ambroise criait en se pâmant d’aise : « Hardiment, bourgeois ! tu fais des merveilles ! tu auras un bon morceau de rôti pour récompense ! » C’était aussi quelquefois un petit garçon, passant avec son chien, qui consentait à le prêter pendant une couple d’heures moyennant des fruits ou une beurrée de confitures.

Les récollets prisaient beaucoup les chiens d’autrui, mais ceux-ci ne les aimaient guère, si l’on en peut juger par les écarts, les longs détours, que la plupart faisaient en passant vis-à-vis du couvent qu’ils regardaient d’un