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MÉMOIRES.

Saint-François du couvent de Québec ; et que je vous pardonne, de grand cœur, d’avoir dédaigné un plat auquel ma vanité d’artiste attachait un grand prix.

J’ignore d’où vient le proverbe : « J’aimerais autant être chien de récollet. » S’il est, néanmoins, d’origine canadienne, je crois l’avoir trouvé. Ce n’était pas une sinécure que les fonctions du chien de cette communauté, à Québec. Ce n’est pas qu’il eût beaucoup à se plaindre de rôder jour et nuit dans le verger du couvent, pour effrayer les voleurs, d’aboyer aux espiègles gamins, qui sonnaient cent fois par jour la cloche du parloir, au grand désespoir du pauvre portier : oh ! non ; ce n’était que le devoir d’un chien fidèle et de bonne maison, et il le remplissait sans murmurer ; mais il cumulait avec ces deux fonctions celle de tourner la broche, dans la cuisine, deux fois par jour, souvent par une chaleur de 40 à 50 degrés de Réaumur.

— Comment ? dit le lecteur, en secouant la tête, de l’air de Diderot quand il lisait les Pères de l’Église, un chien tourner la broche ! en voilà une bonne, il fait bon d’avoir longtemps voyagé sur le chemin de la vie pour en conter à la génération actuelle.

Nous avons le poêle à vapeur, invention très moderne à la vérité ; mais n’avions-nous pas, depuis cinquante ans, la cuisinière en fer blanc, dans laquelle cuisaient paisiblement, sans trouble pour le marmiton même, les viandes les plus succulentes ?

J’ai connu dans mon enfance trois espèces de tourne-broches. Un enfant remplissait généralement cet office : assis confortablement près de la cheminée, armé