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MÉMOIRES.

— J’apprends de jolies choses, maître paresseux, dit le père de Bérey, en abordant frère Ambroise, on me dit que tu ne nourris les récollets qu’aux œufs durs comme des diamants, depuis onze jours : ça s’accommode très bien avec ta paresse ; tu n’as pas besoin de veiller à leur cuisson : une heure de plus ou de moins ne les gâte guère.

— Faites miracle, mon révérend père, répliqua le cuisinier ; quand les frères ne rapportent de leurs quêtes que des œufs durs, il m’est impossible de les rendre aussi liquides que s’ils sortaient du poulailler.

— Que veut dire cet insolent ? fit le père, avec son ton un peu soldatesque : oh ! oui, on t’en fera des miracles, double sot, des miracles pour un fainéant comme toi ! il en faudrait un fameux pour te donner de l’esprit !

— Mais quand je vous dis, mon révérend père, dit le pauvre Ambroise, que les deux frères qui font la quête aux œufs n’ont apporté que deux quarts d’œufs bouillis et durs comme du fer. Venez, plutôt, voir vous-même.

Après examen de ce qu’il restait des deux quarts d’œufs, nous fûmes convaincus, ajouta le narrateur, qu’ils avaient réellement été bouillis.

— Je m’y perds, dit le supérieur. Que quelques personnes, plutôt que de paraître manquer à la charité, eussent donné aux frères quêteurs quelques œufs bouillis qui leur restaient, cela ne me surprendrait pas, mais que tout le monde se soit donné la main pour en faire une aumône aux récollets, ce n’est certainement pas possible. C’est plutôt toi, paresseux, ajouta