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MÉMOIRES.

tiques, assez négligents d’habitude. Il prétend, comme moi, qu’il ne lui est donné de jouir de la vie que lorsqu’il est certain que tout est confortable à l’entour de lui, bêtes et gens, qu’à l’encontre de beaucoup d’habitants, qui laissent leurs animaux dans les champs, pendant les nuits froides de l’automne, il ne pourrait souper de bon appétit, ni même dormir paisiblement, s’il savait que les siens souffrent du froid. Nous aimons que tout soit heureux autour de nous.

Après ce tribut d’éloges donné à elle-même et à son mari, ma mère disparut pour vaquer aux soins de son ménage, et les récollets s’installèrent aux deux coins de la cheminée où flambait une brassée d’éclats de cèdre odorant. Chacun d’eux prit un des monstres de ma mère sur ses genoux. Elle était maintenant certaine d’avoir la paix, comme elle l’avait prédit. Les deux ennemis hostiles à la tranquillité domestique, savouraient tranquillement les contes et les histoires que les deux moines leur faisaient.

Lorsque ma mère reparut au bout d’une demi-heure environ, elle tenait d’une main un bol et dans l’autre une cuiller d’argent avec laquelle elle battait avec énergie une substance liquide de la plus belle apparence. — Soyez sans inquiétude, mes frères, dit-elle ; quoique ce soit un jour maigre vous n’en aurez pas moins un bon souper. D’abord, ajouta-t-elle en contant sur ses doigts, une soupe blanche au ris, navets, carottes et fines herbes, un pâté de morue sèche à l’huile d’olive, un plat de notre délicieuse truite du lac de Trois-Saumons à la sauce-robert, et pour couronner le souper, devinez.......... un plat d’œufs à la