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MÉMOIRES.

— Monseigneur, on ne surprend que ses ennemis ; je pensais votre seigneurie trop stricte sur la discipline pour abréger une parade, afin de monter à l’improviste à l’assaut d’un paisible couvent ?

Le duc de Kent, après s’être fait expliquer la cause de la mauvaise humeur du fils de Saint-François, ne put s’empêcher d’en rire de bon cœur. Le père de Bérey, qui ne voulait pas s’être mis en frais de galanterie en pure perte, demanda au prince à la fin du dessert la permission de boire à sa santé. Et comme il prononçait ces mots : « Messieurs, à Monseigneur le duc de Kent », une détonation formidable du parc d’artillerie, rapprochée près de la porte du réfectoire, fit vibrer les vitres de l’appartement.

On reprochait au supérieur des récollets d’être par trop courtisan : on oubliait, qu’issu d’une famille noble de France, il se trouvait à sa place dans la société qu’il avait fréquentée depuis son enfance, et que si, dans les salons anglais, son habit de moine et son capuchon lui faisaient prêter le flanc de la raillerie, d’un autre côté ses manières, ses connaissances étendues, son esprit fin, délié et sarcastique, en faisaient un jouteur que personne n’attaquait impunément. Il dînait même aux mess des officiers de l’armée anglaise, où ses saillies, ses bons mots, ses reparties vives, étaient très appréciés.

Une petite anecdote d’un autre membre du clergé catholique, issue d’une famille noble française, peut être cité ici avec assez d’à-propos. L’abbé de Calonne, frère du ministre de l’infortuné Louis XVI, reçut vers l’année 1809 une invitation pour dîner chez le