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MÉMOIRES.

soldatesques. Il ressemblait un peu à ce brave officier français, qui, dégoûté de l’armée après quelques années de service, avait échangé l’uniforme pour la soutane, et qui, lorsqu’il lui échappait un juron, ne manquait pas d’ajouter, en baissant les yeux : « Comme j’aurais dit lorsque j’étais colonel des dragons. » Je ne prétends pas dire que le père de Bérey en faisait autant, mais seulement qu’il avait des allures et des goûts tant soit peu soldatesques.

Or donc, au jour convenu, voulant recevoir dignement le fils de son souverain, il avait fait disposer un petit parc d’artillerie, vrai chef-d’œuvre de mécanique, qui devait faire feu à midi sonnant, au moment de l’arrivée du Prince et de ses aides de camp. Ces petits canons d’étain ou de plomb, montés sur de jolis affûts, étaient l’œuvre d’un des frères du couvent, et devaient tous tonner à la fois.

Soit que le Prince, qui était un grand martinet, comme disent les anglais, (car il allait souvent pendant l’été, suivant l’expression des soldats de son régiment, faire la bacchanale dans leurs casernes dès trois heures du matin, pour activer les paresseux à grands renforts de coups de cannes), soit que le duc de Kent, dis-je, eût assez discipliné son régiment ce jour-là, ou pour un autre motif, il termina la parade vingt minutes plus tôt que de coutume, et enfila dans le couvent avec ses aides de camp. Le père de Bérey, pris à l’improviste et au désespoir de n’avoir pu faire jouer ses pièces d’artillerie au moment où le Prince faisait son entrée par la grande porte du couvent, le père de Bérey, qui était prompt comme la poudre, s’écria d’un ton assez bourru :