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MÉMOIRES.

demandai à mon père ce que c’était que cette grande machine.

— C’est une cabane de récollet, fit-il.

Comme il faisait un temps magnifique, je pensai qu’un récollet ne devait pas être trop mal à l’aise, à l’abri du soleil dans sa cabane. Lorsque nous retournâmes sur la brune, par une pluie battante, je crus voir, en passant, un objet qui remuait dans la même cheminée, et je m’écriai : — « Ah, papa ! un pauvre récollet dans sa cabane, il va bien souffrir pendant la nuit ! »

— J’en suis fâché, dit mon père : je suppose qu’il n’aura pu trouver à couvert nulle part.

Était-ce une leçon de charité que mon père voulait me donner ? Voulait-il me faire comprendre que sans l’hospitalité des âmes charitables, les pauvres récollets n’auraient eu d’autre abri que les masures qu’ils rencontraient sur leur route ?

La pluie continua toute la nuit ; je fus longtemps sans m’endormir : j’avais le cœur gros en pensant au pauvre moine que j’avais cru voir, dans sa cabane, exposé aux fureurs de la tempête. C’est là l’origine de mon affection pour les fils de Saint-François.

Il est inutile, cher lecteur, de vous casser la tête à résoudre mon problème : je devais connaître les récollets avant leur cabane de l’invention de mon père.

En voilà un goût saugrenu, pense le lecteur, que cet amour pour une bande de grands fainéants qui vivaient des sueurs des colons du Canada ! Je pourrais répondre que les fous sont créés et mis au monde pour les menus plaisirs des sages, qu’une faible minorité