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MÉMOIRES.

tout un récollet qui, un seau à la main, éteignait une flammèche que le vent avait portée sur le toit ; car il ventait très fort. Il est probable que ce moine fut le dernier qui habitât cet asile de paix : tous les autres travaillaient en ce moment avec ardeur à préserver le couvent des Ursulines, auquel le feu s’était déjà communiqué deux ou trois fois ! Le clergé, l’évêque en tête, était accouru au secours des bonnes religieuses, et ce fut son énergie qui préserva cette précieuse maison vouée à l’éducation du pauvre aussi bien que du riche.

Je demeurai un petit quart d’heure à contempler l’incendie de la maison du juge Monk. C’était le premier que je voyais. Je trouvai les hommes assez bêtes que de jeter par les fenêtres du premier et du second étage, les miroirs, les cabarets chargés de verreries et de précieuses porcelaines. Passe pour les chaises d’acajou et les sofas, pensais-je ; un meublier pourra les remettre sur leurs jambes.

J’étais alors très novice dans la vie ; mais dix ans après cette scène, j’aurais pu dire avec ce matelot, arrivant de l’Inde, quand il voyait quelque action stupide : « J’en ai vu d’autres à Macaï et Macao. »

Toujours avide de nouvelles émotions, je pris ma course vers le couvent des Ursulines, où j’entendais beaucoup de bruit ; mais je ne pus pénétrer dans la cour, dont la porte était obstruée par une bande de commères qui parlaient toutes à la fois. Je leur demandai des nouvelles, et elles me dirent que monseigneur, ayant donné sa bénédiction, le feu était éteint pour la seconde fois. Ça me parut assez drôle, tout de même, que l’évêque eût donné sa bénédiction au feu qui fai-