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eût vaincu Paul Clifford, qui, sans être celui dont le capitaine Marryat a fait le héros d’un de ses charmants romans, n’en passait pas moins pour l’homme le plus fort de Québec.

C’était, je crois, en l’année 1808 : je sortais d’un dîner avec trois de mes jeunes amis, les lieutenants Butler et Loring, du 49e régiment, et le jeune Monsieur Burke,[1] que l’on appelait Château Burke, parce qu’il logeait chez le gouverneur Craig. Nous longions le mur des casernes qui fait face aux maisons de la rue de la Fabrique, à une petite distance du poste militaire. Je donnais le bras à Burke, et les deux officiers nous suivaient, lorsque nous rencontrâmes cinq à six apprentis cordonniers.

— Vous m’avez poussé, dit mon compagnon à l’un d’eux.

— C’est vous, répliqua celui-ci.

Burke, comme tout gentleman anglais, se piquait d’être un excellent boxeur, et j’eus beau lui représenter l’inconvenance de se battre dans les rues d’une petite ville comme Québec, où tout le monde nous connaissait, il n’en prit pas moins l’attitude d’un boxeur, et le combat commença ; mais comme il faisait bien noir, notre ami devait perdre beaucoup des avantages que l’art lui donnait sur son adversaire. Toujours est-il que l’apprenti Crispin lui asséna un si rude coup de poing sur le nez que Burke fut aussitôt couvert de sang. Ceux qui ont été gratifiés d’un bloody-nose, sui-

  1. Ce jeune Monsieur était le fils, ou le neveu, du célèbre Edmund Burke.