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qu’il aura insulté, ou dont il aura reçu une insulte. Qu’avez-vous maintenant à répliquer ?

— Que je préférerais, d’abord, la protection d’un gendarme pour la partie insultée, comme ça se pratique sur le continent ; et ensuite que je suis intimement convaincu, fort de mon expérience, qu’un gentleman, qu’un Lord, ne serait pas assez fou de faire une partie de boxe, dans les rues de Londres, avec un va-nu-pieds, un crocheteur, s’il n’était certain d’une supériorité au pugilat sur son antagoniste, acquise au prix d’une guinée le cachet. Et que ce n’est que par gloriole pour recueillir les acclamations du bon peuple, qui ne s’aperçoit pas que l’on se moque de lui tout en l’assommant, et pour recevoir les félicitations de ses amis au club le soir, que le dit lord, le plus hautain, le plus orgueilleux des aristocrates, consent à se donner ainsi en spectacle, et que s’il n’était certain de la victoire sur son antagoniste déguenillé, il ne manquerait pas de recourir à la police pour le protéger.

— Il est impossible, disaient mes amis, de vous faire départir de vos préjugés français.

— Préjugés pour préjugés, mes chers, j’aime autant les miens que les vôtres.

Quelques scènes dont j’avais été témoin m’avaient donné lieu d’apprécier à leur juste valeur les belles théories des libertés britanniques dont se vantaient mes amis anglais. Deux hommes se battaient à coups de poing à la basse-ville de Québec ; le plus fort, espèce de Goliath, assommait son adversaire, quoiqu’il demandât quartier, lorsque arrive sur les lieux un jeune anglais petit, frêle, délicat et vêtu dans le der-