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blant : « Trois petites Dorionne come from de Marionnettes » ! La sentinelle voyant ces jeunes filles, leur dit en riant : pass trois petites Dorionne come from de Marionnettes !

Les marionnettes, comme tout ce qui faisait la joie de mon enfance, n’existent plus que dans mon souvenir : la main d’un despote en a fait une razzia pendant les troubles de 1837 et 1838. On craignait, je suppose, que Polichinelle ne grossît avec sa troupe les bataillons des rebelles. Il y avait en effet parmi ces poupées des guerriers très-redoutables : « envoyez-nous, » criait le compère Barbeau, « des Allemands et des Allemandes, » et aussitôt faisaient leur entrée sur la scène une douzaine de Teutons et de Teutonnes ; lesquels après avoir dansé, le sabre nu à la main, finissaient par se battre entre eux, au grand effroi de Mesdames les Allemandes, jusqu’à ce que deux ou trois des guerriers restassent sur le carreau.

Les hommes de police, après avoir démoli et pillé le théâtre de Sasseville qui avait succédé à Barbeau, se promenèrent longtemps dans les rues, avec leurs dépouilles opimes sur leurs épaules, en criant : « voici le rebelle A ! » le « rebelle B ! » le « rebelle C ! » suivant les noms des chefs de la prétendue rébellion qui n’existait certainement pas dans le district de Québec, au grand regret des ennemis des Canadiens-Français, qui cherchaient à les y pousser par toutes sortes de vexations. Le règne de la terreur est heureusement passé ; mais les Anglais semblent avoir oublié que même dans le district de Montréal, un bien petit nombre de Canadiens-Français prirent part à la rébellion de 1837, tandis que