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par leur nombreuse famille de Princes et de Princesses montés sur de fiers coursiers. Mais laissons la mère Marseille, ne serait-ce que pour consoler ses mânes, raconter elle-même cette scène si flatteuse pour son amour-propre :

« Lorsque le prince reconnut son cher père et sa chère mère qu’il n’avait pas vus depuis longtemps, il se tint à quatre pour cacher son émotion, mais quand il aperçut son petit frère Rodolphe le cœur lui crevit et il se cacha le visage avec son mouchoir. » Et les yeux de la mère Marseille se voilant de larmes à ce souvenir, elle aspirait une forte prise de tabac pour s’éclaircir la vue.

Comme le sieur Barbeau, gendre et successeur des Marseille, refusait de déplacer ses marionnettes, un de nous, j’étais alors pater familias, louait le théâtre ; et il donnait à cinq heures du soir, moyennant la somme de quatre piastres, une représentation extra à laquelle était admise notre société seulement. Il était entendu qu’après le spectacle, nous passions la soirée chez celui qui avait loué le théâtre. On sait que le rire est contagieux : et aussi ai-je rarement vu toute une société rire de meilleur cœur qu’à un jeu de marionnettes chez le sieur Barbeau. Ayant loué cette année-là le théâtre, j’avais invité Madame Pierre de Sales Laterrière, née Bulmer, jeune anglaise arrivée récemment en Canada, et qui n’avait aucune idée du spectacle auquel elle allait assister. Nous voyant d’abord assez indifférents aux faits et gestes du sieur polichinelle et consorts, que nous avions vu cent fois, elle se tenait à quatre et se pinçait même pour garder son sérieux ; mais il lui fallut enfin éclater, et tout en se tordant de