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LaBadie, faisant face à l’ancien marché de la basse-ville de Québec. Les plus pauvres faisaient des épargnes pour se procurer l’agrément d’une promenade, le dimanche, sur l’autre rive du fleuve ; et nos bons citoyens, autres Chrystophe Colomb, s’entretenaient à leur retour, le soir, des merveilles de ce nouveau continent.

Une anomalie que je ne puis expliquer est le contraste frappant qu’offrait pendant ma jeunesse la population mâle de la paroisse de la Pointe-Lévis avec celle de l’autre sexe. Peu de localités fournissaient des hommes d’une beauté plus remarquable, tandis que les femmes..........je crains de manquer à la galanterie..........tandis que les femmes étaient bien moins favorisées par la nature du côté des charmes ; mais elles ont pris leur revanche depuis. C’étaient d’ailleurs de saintes femmes dont un grand nombre fréquentaient nos marchés, portant suspendues à leur cou, des croix d’argent massif, de six pouces de longueur et d’un tiers de pouce d’épaisseur, seul luxe qu’elles se permissent.

Mais je retourne au Lauzon : si les hommes lui firent un accueil bienveillant, il est une race d’animaux qui s’en réjouissait davantage. Un troupeau de bœufs parcourait souvent vingt à trente lieues sur ses jambes par les plus grandes chaleurs pour venir se faire égorger à Québec : c’était déjà, il me semble, une assez rude besogne pour une fin aussi cruelle, mais ce n’était que le commencement de ses souffrances ! il lui fallait traverser le fleuve Saint-Laurent à la nage pour ajouter à ses misères ! Oh ! oui ! un beau fleuve d’un quart