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homme. Il y avait en effet double offense de la part du délinquant : d’abord, manque d’égards envers leur bienfaitrice, et ensuite, d’après leurs mœurs, insolence de passer une voiture sans en demander la permission.[1]

Ceci me rappelle une petite aventure que je vais relater : Je retournais de la cour de circuit de Kamouraska, en l’année 1812, accompagné de mon ami monsieur Plamondon, avocat, auquel j’avais donné une place dans mon cabriolet. Au susdit cabriolet était attelé un cheval très-violent et d’une vitesse extrême dont mon beau-père, le capitaine Allison, m’avait fait cadeau. Je connaissais trop les usages de la campagne pour ne pas demander de me livrer le chemin à ceux des habitants qui suivaient la même route que moi, malgré les incitations de mon espiègle et spirituel ami à ce contraire. Il savait que rien ne choque plus un habitant que de passer sa voiture sans lui en demander l’agrément et qu’après une telle insulte, il s’ensuivrait une course à mon avantage pendant laquelle il décocherait au vaincu quelques-uns des quolibets en usage en pareilles circonstances de la part du vainqueur ; ce qui manque rarement d’exciter l’ire des campagnards, très-chatouilleux à l’endroit de leurs chevaux, et de les mettre en fureur :

« Holà l’ami ! l’essieu de votre cabriolet est-il cassé ? et en faites-vous un autre que vous n’avancez pas ? »

Ou bien : « si votre mise (lanière) de fouet est usée, claquez votre rosse avec le manche. »

  1. C’est encore la belle coutume, dans nos campagne, de ne jamais passer devant une voiture sans s’excuser ou demander la permission. Conservons toujours ces vieilles et touchantes traditions, cette belle politesse française, que nous ont léguées nos pères, les plus polis des hommes.