Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/529

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


SEIGNEURS ET CENSITAIRES.


Je baisse de tout point ; mais mon jugement est encore assez sain pour que je m’en aperçoive, et c’est sans aucun chagrin : je me trouve fort bien d’être bête.
Madame de Staël.


Malgré les virulentes déclamations de plusieurs grands, et, sans doute, sincères patriotes, contre les seigneurs, lors de l’abolition de la Tenure Seigneuriale, ou à cause d’icelle, je crois devoir donner une courte esquisse des rapports mutuels des seigneurs et des censitaires d’autrefois dans l’ancien district de Québec. C’était une fraternité bien touchante à cette époque ; et si elle a été décroissante d’années en années depuis cinquante ans, à qui le blâme si ce n’est aux censitaires ? Des gens envieux, jaloux, ont soufflé la zizanie afin de rompre les liens d’affection, fondés le plus souvent sur la gratitude, qui attachaient les censitaires à leurs seigneurs. La nature de l’homme, le taux peu élevé des cens et rentes, les secondaient puissamment pour accomplir cette œuvre malveillante.

Le censitaire du district de Québec est l’homme le plus indépendant de l’univers : que le plus riche en terre parmi eux paie annuellement une douzaine de chelins à son seigneur et il peut s’en moquer impunément. Pourquoi, devaient-ils naturellement penser,