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— Je ne conserve de rancune à personne, fit-il, et encore moins envers vous qui vous êtes acquitté avec délicatesse d’un pénible message.

— Adieu, mon père, lui dis-je avec des larmes dans la voix.

Il me regarda d’abord avec un tel étonnement que je craignis de l’avoir blessé, mais il me dit d’une voix douce et mélancolique : God bless you, my son ! (Que Dieu vous bénisse, mon fils !)

Je suis, je crois, le seul étranger qui ait eu accès auprès de ce solitaire dont la réclusion a duré plus de trente ans ; aussi, lorsque je racontais à mes amis que non seulement j’avais vu monsieur Roxburg, mais que j’avais même eu un assez long entretien avec lui, avaient-ils peine à ajouter foi à une chose si peu vraisemblable.

Il a fallu de longues années pour mettre fin aux tourments de cette belle âme brisée par le malheur : ça a été un long travail du temps que d’arracher le dernier soupir, arrêter le dernier battement d’un cœur déchiré un tiers de siècle avant que la mort ait mis fin aux tortures qu’il endurait.