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jours, dans un réduit solitaire. Sans cette excessive sensibilité qui lui faisait redouter un reproche dans chaque regard de ses semblables, monsieur Roxburg aurait pu refaire sa fortune, se libérer de ses anciennes dettes et ressaisir la vie : car comme je l’ai su depuis cet entretien, c’était un homme de talents supérieurs, et la générosité de ses compatriotes anglais, toujours prêts à s’entre-aider, ne lui aurait certainement pas fait défaut.

J’ignorais jusque-là les antécédents de monsieur Roxburg, mais l’exclamation déchirante qui lui était échappée : « ah oui ! c’est ce qui m’a brisé le cœur ! » me révéla la longue agonie du vénérable vieillard ; et j’attendais dans un silence respectueux qu’il m’adressât de nouveau la parole, lorsqu’il me dit :

— J’ignore, monsieur, d’où me vient cet argent ; et je ne puis en honneur l’accepter. Celui ou ceux qui l’ont dérobé n’auraient jamais eu l’imprudence de le remettre à votre patron !

— Les prêtres catholiques, répliquai-je, obligent leurs pénitents à faire des restitutions : ces derniers déposent l’argent entre les mains de leurs confesseur qui le reçoivent sous le sceau de la confession et se servent le plus souvent, pour éloigner tout soupçon, d’un tiers pour le rendre à qui de droit. Monsieur Perrault ignore comme moi l’auteur de cette restitution.

— Ne pensez-vous pas, me dit-il, que même sous ces circonstances, ce serait peu délicat à moi de recevoir cette somme ?

Cette répugnance d’un homme pauvre à recevoir cet argent me dévoila toute la délicatesse de cette belle