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d’une fracture de jambe. Elle était la plus jeune des neuf enfants de mon grand-père, le chevalier Charles de Lanaudière, et a survécu à ses frères et sœurs. Sans avoir autant d’esprit que ses deux sœurs aînées, Madame Baby et ma mère, elle n’en était pas moins très-spirituelle et surtout très-satyrique. C’était le jugement que l’éminent prélat Monseigneur Plessis, ami intime de ma famille, portait sur les trois sœurs. Mais si elle n’avait pas l’esprit supérieur de la sœur aînée, ni l’esprit ni le jugement si sain de ma mère, elle avait toute la force d’âme de la première et une volonté à faire tout ployer devant elle. Elle a mené une vie retirée pendant les dix à quinze ans qui ont précédé sa mort, ce qui n’empêchait pas les gouverneurs et les personnes éminentes voyageant au Canada, de visiter cette vieille et dernière relique d’une génération maintenant éteinte. Était-ce curiosité de la part des visiteurs de converser avec cette vieille noblesse ?

Ma vieille tante avait pris ces visites au sérieux, et s’y attendait toujours. Lord Elgin, (il ne disait pas lui, noblesse, par mépris,)[1] lui fit aussi une visite.

— Comment se porte milady, fit Mademoiselle de Lanaudière ?

— Mais, très bien ; fut la réponse.

— J’en suis charmée, milord ; lorsque j’étais plus jeune je ne manquais jamais d’aller rendre mon hommage aux représentants de ma souveraine ; mais depuis

  1. Beaucoup d’anglais en parlant d’un canadien de noble extraction disent : he is noblesse ! c’est un terme de mépris, comme un autre, et très spirituel, sans doute ; mais quand ils parlent d’un de leur compatriotes de la même extraction ils disent : a nobleman.