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— Tire le rideau ; et va te débarbouiller, Marguerite, s’écria mon oncle de Lanaudière : la farce est finie.

Les jeunes dames se mirent alors à crier toutes à la fois :

— Ah ! Marguerite ! Diablesse de Marguerite ! Que tu nous as fait souffrir.

Et puis, s’armant de mouchoirs, d’éventails, que sais-je, elles poursuivirent de chambre en chambre la fugitive, laquelle une fois démasquée, s’était enfuie de la table ; et la ramenèrent de vive force à la place qu’elle venait de laisser, au milieu d’un brouhaha à ne pas entendre Dieu tonner.

— Mademoiselle Marguerite, fit Monsieur Sewell, quand le calme fut un peu rétabli, ce n’est pas moi mais vous que notre Souverain aurait nommer procureur du Roi, car jamais procès de chicane plus ingénieux, plus embrouillé, n’a été exposé d’une manière plus lucide, même par nos plus vieux procureurs de la cité de Londres.

— Vous oubliez, Monsieur l’avocat général, répliqua-t-elle, que mes ancêtres étaient normands et que je dois tenir un peu de la famille.

Je n’ai pas assisté à cette scène, j’étais alors trop jeune, mais elle m’a été racontée si souvent par ma famille que j’en ai saisi les parties les plus saillantes. Le Juge en chef Sewell lui-même me disait en riant de cette mystification vingt ans après, que ma tante aurait fait le désespoir des juges, si, née homme, elle eût embrassé la carrière du barreau.

Ma tante Charles Marguerite de Lanaudière, née en 1775, est morte à Québec, âgée de 82 ans, par suite