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Si le lecteur prend peu d’intérêt à ces souvenirs d’un vieillard, lui, au contraire, aime à faire revivre dans ces pages ceux qui ont mérité par leurs vertus son affection, ceux qui l’ont traité avec égard et tendresse.

Je pourrais dater mon entrée dans le monde de cette époque même, car je commençai à me mêler alors à la meilleure société, mais ce ne fut que lorsque je fis mon droit que j’y fus sérieusement initié.

La scène que je vais raconter eut lieu quelques années avant ma sortie du pensionnat du séminaire de Québec.

La société anglaise, peu nombreuse à cette époque, prisait beaucoup celle des Canadiens-Français infiniment plus gaie que la leur. En effet, les Canadiens n’avaient encore rien perdu de cette franche et un peu turbulente gaieté de leurs ancêtres. Une de mes tantes maternelles, Marguerite de Lanaudière, âgée alors d’une vingtaine d’années, et aussi belle qu’elle était gaie et spirituelle, faisait fureur surtout parmi les anglais. Je ne sais comment avec des traits si beaux, si réguliers, elle réussissait à leur donner l’expression de la vieillesse, de l’idiotisme et de tous ceux qu’elle voulait personnifier. Sa voix naturellement douce devenait méconnaissable. C’était surtout pendant ses fréquentes visites à la campagne qu’elle jouait ses petites comédies.

Il est inutile d’observer qu’elle ne mystifiait, en se déguisant, que les personnes dont elle était bien connue.

Quelques amis arrivent chez mon père et s’informent de Mademoiselle Marguerite qu’on leur dit être absente ; et elle fait son entrée au salon un quart d’heure