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grands hommes combattant sous le même drapeau pour maintenir nos droits les plus sacrés est gravé dans le cœur de tous les amis sincères du Canada.


Je me mis à l’étude de la langue anglaise avec toute l’énergie dont j’étais capable, et M. Jackson me secondait de toutes ses forces : il était assez versé dans la connaissance de la langue française pour s’apercevoir de mes fautes de traduction, mais quant au style, c’était l’affaire de Monsieur le Philosophe. Les premiers essais qu’il me donna à traduire, furent les deux épisodes si touchants de Sterne : « l’Histoire de LeFêvre et la pauvre Marie. » Je fus enchanté de ce style simple et dialogué de l’auteur du voyage sentimental, que Walter Scott a mis depuis en vogue et que les romanciers des autres nations ont imité. J’éprouvais peu de difficulté à la lecture de Pope, après six mois d’étude. Mais de lui à Shakespeare, il y a une montagne à escalader, et j’avouerai que ce ne fut que dix ans plus tard que je goûtai les beautés de ce prince des poètes.

J’ai l’oreille naturellement peu sensible même à l’harmonie de la belle poésie française, je ne goûte que les grandes et profondes pensées, et la rime me fatigue. Plaignez-moi, mes chers compatriotes ! plaignez-moi, charmants poètes canadiens ! Ô combien je goûterais vos images si vives, vos ingénieuses et touchantes pensées qui m’attendrissent si souvent, s’il vous était possible d’en retrancher cette rime monotone qui fait mon désespoir ! C’est une infirmité chez moi : prenez en pitié ma misère ! et moi en retour, je vous conseille de lire Shakespeare, de lire le texte anglais et non les tra-