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MÉMOIRES.

temps par cette calomniatrice, et que, loin d’être blâmable, il avait bien mérité de la patrie.

Le juge, en prononçant la sentence de la cour, exprima le regret de ne pouvoir absoudre entièrement le prévenu du délit dont il s’avouait coupable, car la plaignante avait été traitée comme elle le méritait ; et que la cour espérait que cette leçon lui profiterait à l’avenir. Après ce préambule, la cour condamna le sieur Liard à payer à la plaignante la somme de huit piastres, étant la valeur d’une mante de soie, à elle appartenant, qu’il avait gâtée ; chaque partie payant ses frais.

Monsieur Liard, après avoir payé la dite somme, s’empara de la mante produite comme pièce de conviction, et dont il venait de payer le coût. Il en affubla une femme de mauvaise vie, connue sous le sobriquet de Pock-nose, parce qu’elle avait en partie perdu le nez. La dite Pock-nose s’obligeant par reconnaissance pour un si beau cadeau, à passer au moins une fois par jour, devant la demeure de madame B――― pendant l’espace de six mois.

Je ne sais si le jugement de cette cour des anciens temps était bien légal, mais il eut l’effet désiré, car oncques depuis la mauvaise langue n’osa calomnier personne. Il est probable que pour ne point perdre l’usage de ce précieux organe, elle s’en tint modestement à la médisance.

Ce n’était guère l’usage autrefois, dans les campagnes, de fermer, pendant la nuit, les maisons, soit au verrou soit à la clef. Une serrure était un aussi grand objet de curiosité pour nos bons et paisibles habitants que les