Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/499

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tobie : je trouvais le nom par trop profane, appliqué à une bête à quatre pattes. Mais un de mes amis m’ayant informé que l’histoire de Tobie était apocryphe, je demeurai convaincu que le révérend monsieur avait agi en conscience.

La seconde chose qui me frappa fut qu’au commencement de la semaine sainte, les élèves avaient grande hâte de voir arriver le Good Friday. Je savais déjà assez d’anglais pour comprendre que good voulait dire bon, et que friday signifiait vendredi. Et comme il n’y avait qu’un seul vendredi dans la semaine où nous étions, j’en conclus avec beaucoup de sagacité que le bon vendredi signifiait vendredi saint.

Après avoir vaincu cette difficulté, je leur demandai pourquoi ils désiraient le good friday plus qu’un autre jour de la semaine.

C’est, me disaient-ils, parce que nous déjeunons avec des buns, (galettes) le good friday : le seul jour de l’année qu’on nous régale de ces excellents biscuits.

Nous étions plus ascétiques au séminaire de Québec : ceux même qui n’étaient pas obligés au jeûne s’imposaient volontairement un bout de pénitence ce jour-là. Mais comme j’avais déjà pour principe de ne jamais me mêler de la conscience d’autrui, je trouvai tout naturel cette affection pour les gâteaux du bon vendredi.

Je passai deux heureuses années dans ce pensionnat. Ceux qui ont lu le Vicar of Wakefield peuvent se faire une idée de l’excellent Monsieur Jackson et de son épouse. C’était la même simplicité dans leurs mœurs que celle des époux Primrose, du petit chef-d’œuvre de Goldsmith.