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Rétrogradons de deux années : c’est à cette époque que je laissai le pensionnat du séminaire de Québec, pour celui du révérend John Jackson, ministre de l’église anglicane, qui tenait alors une excellente école. J’ignorais entièrement alors la langue anglaise, et mon père jugea que tout en suivant pendant deux années mon cours de philosophie au séminaire de Québec, j’apprendrais plus facilement cette langue dans une maison où on ne se servait que de cet idiome.

J’étais de tous les élèves, tant externes que pensionnaires, le seul canadien-français : ce qui ne m’empêcha pas de sympathiser dès le premier jour avec eux. J’étais à peu près aussi gai, aussi fou, à l’âge de dix-sept ans qu’à douze, ce qui me fit bien vite de nombreux amis.

Je trouvai les mœurs de mes nouveaux condisciples tant soit peu différentes de celles des jeunes gens avec lesquels j’avais vécu au séminaire de Québec : ils étaient naturellement enclins à boxer ; et à la moindre querelle, ils allaient vider leur différend sur les remparts près de la porte du Palais. Le maître fermait les yeux sur ces peccadilles, tandis que nous étions sévèrement punis au séminaire, quand il nous prenait fantaisie de nous noircir les yeux de temps à autre. Mais ceci ne me regardait pas et ils me prenaient le plus souvent pour juge de leurs querelles ; un philosophe se doit un peu de respect, et je n’en étais plus au temps de ma vie de gamin, où je rentrais de temps à autre avec un œil poché.

La première chose qui me surprit fut qu’un ministre de la haute église d’Angleterre eût nommé son chien