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acheter, ni vendre, que celui qui aura le caractère, ou le nom de la bête, ou le nombre de son nom. »

Le blocus continental était alors en opération : impossible de se tromper, le malheureux était bien l’antéchrist. Ci suit la fin du texte sacré :

« C’est ici la sagesse : Que celui qui a de l’intelligence, compte le nombre de la bête ; car son nom est le nombre d’un homme, et son nombre est six cent soixante-six. »

Ceux qui avaient de la sagesse et de l’intelligence assuraient que par un calcul hébreu, Chaldéen, syriaque, que sais-je, le nombre de la bête formait en toutes lettres Napoléon Buonaparte. Observant avec beaucoup de sagacité que Napoléon avait retranché l’u pour franciser son nom, qui était originairement Buonaparte, ou peut-être même pour mettre en défaut le texte sacré, car il en était bien capable, l’impie ! ils n’en soutenaient pas moins que le dit Napoléon était la bête de l’Apocalypse, car rien ne pouvait être plus précis, et à eux revenait la gloire de cette découverte ingénieuse. Il y avait bien quelques nigauds incrédules, par ci par là, qui ne trouvaient pas cela concluant, mais la majorité qui a, comme vous savez toujours raison, leur imposait silence. Quant à moi jeune homme enthousiaste, passionné pour le merveilleux, la paresse seule m’empêcha d’étudier le chaldéen, l’hébreu et le syriaque, afin de compter le nombre de la bête.

Maintenant, Monsieur le lectureur, de novembre, de l’année mil huit cent soixante et trois, brûlez votre thèse : votre antéchrist est un être apocryphe ! c’est l’ancien qui était le bon !