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ce n’étaient pas des rossignols qui l’avaient défriché de la sorte.

— Habille-toi, Rouleau ! lui cria le major d’une voix de tonnerre.

— Il en faudrait des petits officiers comme vous, vociféra l’indocile conscrit en écumant de rage, il en faudrait des petits officiers pour faire obéir Rouleau !

Il avait à peine prononcé ces malencontreuses paroles, qu’une main de fer, s’appesantissant sur son épaule, l’écrasa sur le plancher comme s’il eût été un enfant. Cette prouesse musculaire, à laquelle personne ne s’attendait, car le major de Salaberry était d’une taille moyenne, fit tomber la colère du fier-à-bras comme s’il eût été assommé. Il se releva tout moulu et dit :

— Oui ! oui ! mon major, je vais m’habiller ! où est ma chemise ?

Un soldat des Voltigeurs, nommé Côté, je crois, disait en me faisant le récit de cette scène :

— Nous crûmes que Rouleau avait passé au travers du plancher : le major l’avait aplati comme une punaise. Mais il s’en consola bien vite en disant que ce n’était pas un rossignol qui l’avait étrillé de la pareille façon ; et si vous en doutez, ajoutait-il, passez-lui par les mains.

Il a fallu, sans doute, des qualités militaires peu communes et une grande énergie chez le commandant pour faire d’un corps d’hommes, recrutés de la veille, un régiment aussi distingué que celui des Voltigeurs-Canadiens, qui égalèrent en bien peu de temps pour la tenue sous les armes et pour la discipline, les meilleures