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— De Salaberry bondit d’abord comme un tigre, mais réprimant aussitôt ce premier mouvement, il dit avec calme :

— C’est bien, monsieur, nous allons déjeuner et vous aurez ensuite le plaisir d’expédier un autre Canadien-Français.

Le combat fut long et opiniâtre : le lieutenant de Salaberry était bien jeune, tandis que le capitaine allemand, son antagoniste, plus âgé, était un rude ferrailleur. Le jeune Canadien reçut un coup de sabre au front dont il a toujours porté la marque, et les amis voulurent mettre fin au combat, mais le blessé ne voulut jamais y consentir : il se banda la tête avec son mouchoir et le combat recommença avec plus d’acharnement. Je dois à la vérité de dire que le capitaine allemand oncques depuis n’occit ni canadiens-français, ni autre personne.

Lors de la dernière guerre américaine, le gouverneur britannique sentit le besoin de se concilier les Canadiens-Français indignés des persécutions auxquelles leurs compatriotes les plus éminents avaient été en butte sous l’administration encore récente du chevalier Craig. La tâche n’était pas difficile ; il ne s’agissait que de rendre justice au brave Jean-Baptiste pour lui faire tout oublier. Comment, en effet, conserver de la rancune à un gouvernement qui, lors de la levée des milices, les fit commander presque exclusivement par des Canadiens-Français et par ceux mêmes que l’on avait persécutés comme traîtres à la couronne d’Angleterre.

Je crois devoir ajouter qu’une des mesures qui flatta le plus l’orgueil des Canadiens-Français fut de