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Comme nous vivons heureusement à une époque où l’on peut dire la vérité sans craindre de passer pour un sujet déloyal, j’ajouterai qu’il fallut bien, bon gré, mal gré, que les Anglais rendissent justice au colonel de Salaberry, en lui attribuant exclusivement la victoire de Chateauguay ; mais avec cette petite modification : qu’il devait cette victoire au corps des voltigeurs, presque exclusivement composé d’anglais. Il fallait certainement avoir le front haut pour débiter un tel mensonge à la face de toute une province. J’étais en visite, quelques six mois après cette glorieuse affaire, chez une famille anglaise, lorsque la dame de la maison me dit très sérieusement qu’il n’était point surprenant que le colonel de Salaberry eût obtenu un si éclatant succès, vu que les Voltigeurs étaient aux trois quarts composés d’anglais.

— Madame veut sans doute rire ? lui dis-je :

— Mais non, dit-elle, en ouvrant de grands yeux ; demandez plutôt à mon mari ?

— Non sense, fit le mari en rougissant, et il changea de conversation.

J’eus lieu ensuite de m’assurer que les deux tiers de la population anglaise ajoutaient foi à cette fable, ou feignaient d’y croire.

Tout le monde sait que, pendant la guerre de 1812, l’élément britannique dans le Bas-Canada était à peine suffisant pour remplir le cadre des bataillons de la milice anglaise, et que ce n’est que depuis l’exode irlandaise qu’il a augmenté dans des proportions si notables. Soyons juste avant tout : accordons leur part de gloire au petit nombre de miliciens anglais du Bas-