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MÉMOIRES.

drôle, car ceux des spectateurs, qui étaient trop éloignés pour l’entendre, riaient autant que ceux qui le comprenaient.

Ceci me rappelle une anecdote que me racontait mon cousin, monsieur de Montenach, qui avait servi dans le régiment des Meurons. Chaque compagnie dans l’armée suisse a un farceur qu’elle nomme loustic.

Un jour de parade, tout un régiment se met à rire :

— Qu’avez-vous à rire ? dit un officier à quelques soldats près de lui.

— Ché né ché pas, dit l’un d’eux, mais lé loustic là-pas il afoir dit quelque chose de trôle.

Après un saut de plusieurs années en avant, je retourne au bon vieux temps, ne serait-ce que pour rapporter un jugement qui paraîtrait assez extraordinaire aujourd’hui, que l’on ne juge qu’avec le code de loi à la main ; ce qui n’empêche pourtant pas les juges de se tromper souvent, ainsi qu’il appert par le nombre de jugements qui sont infirmés à chaque séance des cours d’appel.

Madame B―――, femme d’un respectable et inoffensif citoyen de la ville de Québec, était une de ces langues, maudites qui faisait trembler les personnes les plus respectables. Les calomnies les plus atroces ne lui coûtaient rien. Elle eût été poursuivie maintes et maintes fois pour diffamation de caractère devant les tribunaux, sans les égards que l’on avait pour son mari généralement aimé et respecté. Il désarmait ceux qui lui portaient des plaintes, et qui menaçaient de la poursuivre, en leur disant :