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En effet, on vint l’avertir un jour, lorsqu’il demeurait à Beauport, qu’un fier-à-bras des pays d’en haut répandait la terreur depuis quelque temps dans la paroisse, et qu’il était actuellement au presbytère où il faisait un tapage infernal. Il ne fut pas difficile au juge de paix, une fois sur les lieux, de distinguer l’oppresseur de l’opprimé. Le curé, Monsieur Van Felson, étanchait avec un mouchoir le sang qui lui coulait de la joue, tandis que le fier-à-bras jurait tous le s……és tord mon âme sur le bout d’un piquet,[1] qu’il exterminerait prêtres et évêques qui oseraient trouver à redire à sa conduite.

Il paraît que le curé avait recommandé à ses paroissiens d’éviter la société de cet homme, qui répandait le désordre dans la paroisse et n’ouvrait la bouche que pour jurer et blasphémer ; et de là la vengeance qu’il venait d’exercer contre le pasteur.

— Malheureux ! lui cria Monsieur de Salaberry, vous avez eu l’audace de frapper l’oint du Seigneur !

— Et je t’en ferai bien autant, dit le fier-à-bras en s’avançant le poing levé sur le juge de paix.

Mais il avait à peine prononcé ces paroles, que lancé comme une balle par un bras puissant par-dessus table et chaises on le relevait à moitié éreinté.

Tout s’arrangea ensuite à l’amiable ; le curé consentit à se désister de toute poursuite devant les tribunaux, si, de son côté, l’assaillant voulait laisser la paroisse de Beauport dans les vingt-quatre heures, ce à quoi ce

  1. Juron très à la mode chez messieurs les serviteurs de la Compagnie du Nord-Ouest.