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retourner en promettant de mener une vie plus exemplaire. Cet Indien, nommé Picard, d’une haute stature, aux larges épaules effacées, à la démarche fière et superbe, agissait comme s’il eût été en pays conquis quand il entrait dans une maison où il ne trouvait que des femmes ou des hommes trop faibles pour lui résister ; il fallait alors le servir, lui donner tout ce qu’il demandait, et surtout du rhum dont il était très-friand.

Mais où était la police, pense le lecteur ? Les seuls hommes de police étaient, pendant mon enfance, les soldats de la garde, quand ils étaient à portée de prêter secours ; mais le plus souvent les perturbateurs avaient déguerpi quand ils arrivaient.

Monsieur de Salaberry retournait un jour à son domicile, lorsqu’il entendit de la rue des cris de frayeur que poussaient les dames de sa famille dans sa maison[1] située à l’encoignure des rues Stadaconé et Desjardins, presque en face de l’église des Ursulines ; cette maison avait une longue galerie à six ou sept pieds du sol, comme c’était alors assez l’usage. Monsieur de Salaberry monte quatre à quatre les marches de l’escalier qui conduisait à la chambre à dîner, et trouve le sieur Picard, lequel après s’être emparé d’une carafe de vin, voulait se faire livrer les clefs des armoires. L’explication fut courte, et la punition infligée par le magistrat très sommaire, car dans un premier mouvement de colère, à la vue de sa famille éplorée, il saisit le Huron par les flancs et lui fit franchir sans accroc fenêtre, galerie et toute la rue Desjardins.

  1. Cette maison a brûlé il y a deux ans, et a été rebâtie depuis.