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qualité, surtout quand elle est réunie dans la même personne avec la première. Je crois donc faire plaisir au lecteur en rapportant quelques traits de la force musculaire du chef de la famille de Salaberry.

Le fort Saint-Jean était assiégé par les Américains en 1775, lorsqu’une bombe éclata sur une baraque, dans laquelle était Monsieur de Salaberry avec d’autres officiers ; tous, excepté lui, eurent le temps d’évacuer le vieil édifice avant d’être écrasés sous les débris. Chacun s’empressa ensuite de voler au secours de leur frère d’armes, sous l’impression cruelle qu’ils ne retireraient qu’un cadavre des décombres, quand à leur grande surprise, ils trouvèrent le nouveau Samson, plus heureux que le premier, soutenant sur ses robustes épaules, les genoux et les mains appuyés sur la terre, un pan de l’édifice. Ce n’est pas une fable faite à plaisir, l’accident eut lieu devant cent témoins, dont trois me l’ont raconté à moi-même pendant ma jeunesse. Quelques gorgées de sang qu’il vomit le soulagèrent ; mais il s’en est ressenti pendant bien longtemps, à ce qu’il nous disait.

Je lui demandais, un jour, si c’était dans cette occasion qu’il avait donné la plus grande preuve de sa force musculaire.

— Je ne crois pas, me dit-il, il m’a fallu une autre fois, aussi dans une situation de vie ou de mort, déployer encore plus de force. Lors de mon aventure au fort Saint-Jean, j’étais placé de manière à pouvoir supporter un poids énorme ; rien n’empêchait l’action de mes muscles, mais lors de la situation exceptionnelle dont je vais vous entretenir, il m’a fallu des efforts