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une bonne fortune pour nous quand notre ami Vallière[1] était présent : à tout seigneur tout honneur ; on laissait, d’abord, la conversation s’engager entre les deux athlètes et puis chacun s’esquivait à la sourdine pour rejoindre des cercles moins sérieux.

Monsieur de Salaberry arrivait de France quelques années avant la Révolution, lorsqu’on lui proposa d’assister à une pièce de théâtre « le Barbier de Séville » jouée par des jeunes amateurs canadiens.

— Qu’irais-je faire, dit-il, à votre théâtre : voir massacrer une pièce que j’ai vu jouer à Paris par les meilleurs acteurs français ?

Il se laissa, néanmoins, gagner, plutôt par complaisance que par amusement, et assista à la représentation de cette charmante comédie. Beaucoup de nos jeunes Canadiens ont eu de tout temps une aptitude remarquable pour le théâtre ; et je puis dire à leur louange, et sans prévention, qu’au dire même des anglais, ils réussissaient beaucoup mieux que les amateurs britanniques, à quelques exceptions près.

Dès la première scène, entre le comte Almaviva et le Barbier ; monsieur de Salaberry, emporté par l’enthousiasme qu’il éprouvait pour les talents de son jeune compatriote, monsieur Menard, se lève de son siège et s’écrie de sa belle voix sonore et retentissante : « Courage, Figaro ! on ne fait pas mieux à Paris ! »

Les assistants, électrisés par ces paroles se levèrent spontanément de leurs sièges en criant : « Courage

  1. L’honorable Vallière de Saint-Réal, depuis juge en chef.