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MÉMOIRES.

stitua, en l’année 1816, à l’ancien instrument alors en usage, un carcan tournant sur un pivot.

Le criminel put alors prendre un certain exercice en tournant comme font les chevaux d’une distillerie. Il pouvait ainsi éviter de recevoir en pleine figure une partie des projectiles que lui lançait la populace toujours placée du même côté que les spectateurs. Mais, ô surprise ! Le criminel, profitant de la liberté de la locomotion, se met à tourner tout au tour du poteau ; la canaille privée d’une partie de ses jouissances, celles d’atteindre le malheureux au visage, le suit dans ses évolutions et continue à lancer ses projectiles, dont une grande partie atteignaient les paisibles passants. Ce fut un sauve qui peut général, et la foule se répandit en invective contre le fonctionnaire par trop bienveillant qui leur avait ménagé cette surprise, en leur faisant partager une partie du supplice du criminel.

Un vendredi de l’année 1806, un criminel était exposé, pour un crime odieux, sur le pilori. La populace exaspérée commença l’attaque qui devint furieuse, lorsque les soldats de la caserne vinrent s’en mêler. Les perturbateurs se ruèrent d’abord sur les voitures des habitants, alors sur le marché, et s’emparèrent de vive force de tout ce qu’ils trouvaient dans les charrettes : œufs, légumes, têtes, pattes, fraises et fressures de veaux, malgré les cris des femmes cherchant à protéger leurs denrées. Après avoir assailli le criminel, ils attaquèrent le bourreau qu’ils poursuivirent sous les charrettes des habitants, où il s’était réfugié. Le malheureux nègre, souple comme un serpent, avait beau se glisser sous les voitures, se réfugier sous les pieds