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bord de la tombe, que celle dont s’abreuve le pèlerin dans les oasis du désert, pour celui qui ayant pratiqué longtemps les hommes, est arrivé à l’âge où il peut les apprécier sans prévention, et à leur juste valeur.

Ce n’était pas un homme ordinaire que celui auquel toutes les classes de la société s’empressaient de rendre hommage : aussi était-ce un spectacle touchant de voir monsieur de Salaberry parcourir les rues de la cité de Québec ; de voir les visages s’épanouir à sa vue, de voir chacun se découvrir avec respect sur son passage. « Nos parents, me disait récemment monsieur Vocelle, ancien et respectable citoyen de cette ville, nous accoutumaient dès l’enfance à saluer monsieur de Salaberry ; et il ne manquait jamais de rendre politesse pour politesse aux plus petits gamins de la cité ! »

Était-ce la richesse qui lui attirait ces hommages, ce culte universel ? Oh non ! monsieur de Salaberry était alors comparativement un gentilhomme peu fortuné. Était-ce le haut rang qu’il occupait alors dans la colonie ? certainement non ; car il n’était alors que simple juge de paix. Il y avait dans ce culte universel un motif beaucoup plus touchant : cette belle âme semblait avoir constamment devant les yeux la devise incrustée sur les armes de sa famille : « Force à superbe ! Mercy à foible ! »

L’origine de cette devise est trop glorieuse, trop remarquable pour la passer sous silence. Comme tous les Canadiens connaissent la force musculaire de la famille Salaberry, établie dans cette colonie depuis plus de cent ans, on doit supposer qu’elle leur a été trans-