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comprises. Si le diable m’y rattrape quand mon temps sera fini, il sera fin.

L’autre était une espèce de géant efflanqué, d’au moins six pieds quatre pouces français de hauteur, qui nous amusait beaucoup lorsqu’il venait rendre visite à l’un de ses parents au séminaire de Québec pendant nos récréations. Il était farceur et ne manquait pas d’esprit naturel. Après avoir tenu à peu près le même langage que celui que je viens de citer, il ajoutait : je meurs de honte quand je suis dans l’enceinte du parlement ; j’ai beau faire mon possible pour me dérober aux regards des assistants, j’ai beau me faire petit, ma bigre de tête domine toujours l’assemblée.

Ce brave législateur disait la vérité : c’était un de nos amusements, lorsque nous allions le jeudi au parlement, que de voir les efforts qu’il faisait pour se dérober à nos regards moqueurs : les enfants sont cruels !

Mais je reviens au père Romain Chouinard, auquel je vais faire mes adieux.

Repose en paix, bon vieillard ! Repose en paix ! Non parmi les grands et les puissants de la terre, mais sous l’humble gazon qui couvre la tombe de l’homme vertueux ! S’il était permis aux morts de ce lugubre enclos de se lever pendant une nuit orageuse pour recommencer les luttes qui les ont agités de leur vivant, s’ils te conviaient à ressaisir, comme eux, une vie qu’ils ont laissée avec des regrets si amers, tu refuserais de sortir d’une demeure, semblable par son silence à la vie douce et paisible que tu as passée sur la terre.

Dors en paix, chrétien humble et sincère ! Si la tempête a renversé la modeste croix plantée sur ta fosse, si