Romain se défendre elle-même ; n’a-t-elle pas dit qu’elle est mauvaise quand il le faut.
— Il y a bien des bavards, fit le père Chouinard, qui prétendent qu’elle est mauvaise plus qu’à son tour, mais moi je ne m’en suis jamais aperçu.
Et c’était vrai : il faisait un excellent ménage avec sa femme. Chaque fois que nous partions pour la pêche, il l’embrassait tendrement, et elle découvrait alors deux dents canines : c’était sa manière la plus expressive de lui montrer qu’elle était sensible à cette caresse.
La première et constante victime d’une méchante femme est généralement son mari, et c’est sur lui que de préférence elle exerce sa malice ; j’ai pourtant vu plusieurs exemples du contraire. Je n’en citerai qu’un seul.
Un père avait une fille unique aussi belle qu’elle était méchante : elle le faisait endiabler sans cesse. Son ennemi capital en devint passionnément amoureux, et se hasarda, en tremblant, à lui demander la main de son aimable fille. À sa grande surprise, ainsi qu’à celle de tout le monde, il reçoit une réponse favorable. Le mariage a lieu, et le père dit à ses amis en montrant son cher gendre après la messe :
— Je n’ai jamais pu souffrir cet animal-là ; il y a longtemps que je cherche à m’en venger sans en trouver l’occasion : ma fille est une diablesse de malice qui m’a fait enrager depuis sa naissance, j’espère bien qu’elle ne lui donnera de repos ni jour ni nuit.
Ô calculs et prévisions des hommes que vous êtes trompeurs ! cet aimable beau-père a eu la douleur,