Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épaules et des poignets deux fois aussi larges que les vôtres.

— Tiens, te voilà, qu’il me dit en sortant de sa boutique, tu fais des grimaces de sorcier.

— On en ferait à moins, que je lui dis : j’ai un mal de dent à me briser la tête contre les cailloux.

Là-dessus il va chercher son pénican (pélican, instrument des dentistes), et il me dit : assis-toi sur le plancher, et je vais te soulager dans un vire-main.

— Ça me fera-t-il bien mal ? que je lui dis.

— Comme une piqûre d’épingle, qu’il répondit.

S’il avait eu, continua le père Chouinard, de ces amusettes d’instruments dont se servent les chirurgiens branchés, je me serais méfié de lui ; mais figurez-vous, M. Philippe, qu’il tenait en main un pénican d’un pied et demi de longueur qu’on aurait pu prendre pour des tenailles de forgeron. Je pensai que crac, un tour de poignet ; et que tout serait fini. Il fourra son pénican, j’en avais plein la gueule, la dent résista et il commença à me faire sauter au bout de son bras comme une lavette. J’éventais (inventais) les cris, je beuglais comme un taureau. J’avais déjà fait deux fois le tour de la chambre, la mâchoire serrée dans le pénican, lorsqu’il cria à son voisin qui était accouru à la fête : viens m’aider Coulombe, grimpe-lui sur le dos. Celui-ci, qui était praticien dans ces sortes d’affaires, se met à califourchon sur mes épaules, m’empoigne le front à deux mains et se met à crier en riant : hardi, petit Bram ! — As pas peur, cria le petit Bram : j’en aurai pas le démenti.

Eh bien ! M. Philippe, le petit Bram nous souleva