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grands cris ! Rien ne résiste à ta puissance, ô génie des tempêtes ! enlève-la dans un tourbillon, loin, bien loin de ses tendres parents ! car demain est le jour fatal qu’elle doit leur faire l’aveu qu’un misérable séducteur l’a abandonnée au déshonneur pour le reste de sa vie. Assouvis ta rage sur eux tous, et ils t’en remercieront dans le ciel !

 Vois ce vieillard dans ce caveau éclairé par une faible lumière ; vois avec quelle jouissance il palpe l’or qui ruisselle dans ses mains desséchées ; c’est un avare usurier ; il est impossible de s’y méprendre : son teint même a contracté la couleur du métal qu’il adore. Laissons-le à ses jouissances et pénétrons dans cette maison de lugubre apparence ; ces deux hommes assis dans cette antichambre près d’une table où ils s’amusent à boire sont deux records, gardiens d’effets saisis et qui seront vendus demain. Laissons-les à leurs plaisirs et voyons ce qui se passe dans cette chambre dans laquelle tout est en désordre. Quel est cet homme, déjà sur le retour, dont le cœur se brise ? C’est un marchand jouissant naguère d’un grand crédit ; des événements qu’il ne pouvait contrôler lui ont fait perdre des sommes considérables, la dent acerbe de l’usurier a complété sa ruine. Vois comme sa femme à genoux l’enlace de ses bras, le priant pour l’amour de ses enfants de prendre courage : vaines prières ! le noble cœur de son mari aura demain brisé sa poitrine, et elle et ses enfants seront agenouillés près d’un cadavre dans un réduit obscur, tandis que la voix éclatante d’un huissier fera l’adjudication de leurs meubles. Rien ne résiste à ta puissance, ô