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œuvres grandioses pour le bonheur de l’homme, rendra aussi le calme aux malheureux.

Je me mis ensuite à interroger mon compagnon pour m’assurer si les beautés de la nature impressionnaient cet homme vulgaire.

— Voyons, père Romain, lui dis-je, à quoi pensez-vous en regardant tout ce qui nous entoure cette nuit ?

— Je pense que Dieu est bien bon d’avoir creusé ce lac dans les montagnes, d’y avoir mis du poisson pour nourrir le pauvre monde.

— Le travail doit avoir été dur dans ce roc, répliquai-je ?

— L’affaire d’un vire-main ; fit le père Chouinard en traçant un sillon dans l’eau avec le bout de son aviron.

— Que pensez-vous, de cette belle lune qui nous éclaire ?

— C’est la lampe que le bon Dieu a faite pour éclairer les pauvres qui n’ont pas les moyens d’acheter de l’huile et de la chandelle pendant les longues soirées, fut la réponse du vieillard.

Nous côtoyions alors les bords du lac, et je lui dis :

— Voyez donc comme les arbres se mirent dans l’eau ?

— C’est le miroir que le bon Dieu leur a donné à eux qui ne sont pas orgueilleux ; et le diable qui a fait ceux dont se servent si souvent les femmes pour la perdition de leur âme.

À la vue d’un groupe d’îlots pittoresques que le mirage semblait faire surnager sur l’eau, je dis à mon compagnon :