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une noce, un festin, une danse sans que j’y fusse invité. Si je veillais dans quelques maisons, tous les voisins accouraient pour entendre mes farces.

Passant un jour près de notre église, je vis les enfants rassemblés pour le catéchisme et le curé qui partait pour un malade. Je leur dis d’entrer, et que le curé m’avait chargé de leur faire l’instruction en attendant son retour. Je mets un surplis, je prends un bonnet carré, je monte en chaire et je leur fais tant de farces que tous les enfants riaient comme des fous. En un mot, je fis toutes sortes de profanations dans le sanctuaire même.

Huit jours après, pendant une promenade que je faisais seul dans ma chaloupe sur le fleuve, par un temps assez calme, une rafale de vent si subite s’abattit sur mes voiles qu’elle les déchira en lambeaux et que ma berge chavira. Je réussis à monter sur la quille où j’eus le temps de faire bien des réflexions et de me recommander à la miséricorde du bon Dieu. Les forces me manquèrent ensuite, et une lame rejeta mon corps mort sur le rivage.

Je fus condamné à faire mon piregatoire, pendant trente ans, sur les lieux mêmes que j’avais profanés. Au coup de minuit, mon âme rentrait dans mon corps et le traînait sur les marches de l’église.

Lamonde se recula jusqu’au bout du tertre, il croyait n’avoir affaire qu’à une âme, et il se trouvait en présence du corps par dessus le marché. Il commença à s’apercevoir qu’il avait l’haleine forte. Le revenant n’y fit pas attention, et continua : Vous ne comprendrez jamais, bon jeune homme, ce que l’on